ENTRE
PURETE ET PERENITE
La tentation de Costa Lefkochir, en vrai méditerranéen pétri dune culture plus byzantine quoccidentale sur un fond de spiritualité cependant commune, a toujours été dévacuer limage directement référentielle au profit, soit dune abstraction totale, soit de formulations au caractère fortement symbolique. Jusquà présent, la lumière, en appel lointain ou en rayonnement attractif diffus et sous-jacent, a, en ce type de langage animé tant par lémotion personnelle profonde que par des aspirations spiritualistes, joué un rôle primordial. |
![]() "Trace de vie", 1997 |
En osant la rupture actuelle, lartiste ne renie point ce qui a précédé, bien au contraire, il y puise la force dune attention désormais focalisée sur des signes plus précis, comme si, justement, nombre déléments aujourdhui se révélaient enfin au regard. Ou plus exactement, comme si d'enfouis quils étaient, ils vivaient une résurgence attendue depuis longtemps. Comme sils accédaient à la lumière après un séjour actif souterrain. Comme si cette source lumineuse livrait enfin une part de son mystère à travers des signes plus ou moins interprétables. Tout ce qui apparaît actuellement dans laudace soudaine dune affirmation, vivait déjà discrètement disséminé dans luvre depuis plus de dix ans. Mais seules quelques apparitions furtives qui néchappèrent point aux témoins privilégiés, ont pu éveiller les soupçons. Cette émergence des signes saccompagne dune nouvelle rigueur, notamment sur le plan chromatique où le blanc, comme couleur, comme signe même de pureté, de virginité et non plus de lumière, se conjugue avec les noirs les plus denses Un vocabulaire neuf arpente désormais des formats inhabituels et aborde des techniques plus incisives. Dans un cas comme dans lautre, ces pratiques sappuient sur des symboliques jusquici inexploitées en profondeur dans le travail, voire inédites. La verticalité, figure par excellence dascension, doffrande comme de progrès et de recherche délévation, correspond à une focalisation de plus en plus ancrée dans la spiritualité |
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Au blanc et
noir dorigine, sur lequel réinsistent en densité particulière
les dernières peintures, sest joint le jaune solaire, magique
et cordial suivant les traditions, chaleureux, ou encore lumière
de lintuition, celle-là justement dont lintensité
pourrait apporter au langage plastique la part la plus indicible. Peut-être
bien celle par laquelle se glissent les vibrations parmi les plus intimes
et les intentions les moins contrôlées de lartiste
Claude
Lorent
LEmergence
dIcareLe simple nom dIcare nous replonge dans les mythes fondateurs de notre culture occidentale, qui doit beaucoup à la Grèce. Ses principes démocratiques nen sont quun exemple parmi dautres. Lhistoire dIcare, telle que nous la connaissons, est fort simple. Fils de larchitecte Dédale, Icare est prisonnier, avec son père, dans le Labyrinthe que ce dernier a construit. Père et fils sen échappent au moyen dailes en plumes doiseaux, collées sur de la cire. Malgré les recommandations de son père, qui lui déconseille dapprocher le soleil, Icare arrive trop près de lastre lumineux qui fait fondre la cire qui retient les ailes. Il tombe dans la Mer Egée dont une partie porte son nom. Son corps est poussé sur le rivage par les flots. Il est enseveli par Héraklès. Icare a donné son nom à lIcarie, une île de la Mer Egée dans les Sporades, sur la côte occidentale de lAsie Mineure, en Ionie. En grec, elle se nomme aujourdhui Ikaria. De tout temps, les artistes ont été attirés par ce mythe. Depuis les peintures de vases, en passant par les fresques de Pompéï ou la peinture de chevalet. |
Si
lhistoire dIcare semble sarrêter avec sa chute,
pour Costa Lefkochir, ce nest pas le cas, loin de là. En fait,
lhistoire dIcare ne fait que commencer. Le mythe prend une forme
nouvelle, différente. Cette forme nouvelle, cest la renaissance dun être humain qui a pris conscience de ses possibilités, de ses fautes, de ses erreurs. Un être humain qui a pu entrer en dialogue avec son monde intérieur et qui, ainsi, peut atteindre à la connaissance. Lorsquil volait avec son père, Icare nétait pas prêt à cette prise de conscience : il sest brûlé les ailes. Mais par cette purification par le feu, par cette acceptation des erreurs du passé, il repart pour une vie plus riche, plus dense, pleine de sens, prêt à exploiter le potentiel qui est en lui. Luvre de Costa Lefkochir se présente en trois dimensions. |
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formes qui préparent lenvol. Leur disposition au sol laisse entrevoir comme la silhouette dun labyrinthe, parfaite image de tous les choix possibles qui soffrent dans une vie. Labyrinthe, dédale, dalles tout est lié ! Le Nouveau peut se lire dans lAncien. Deux grandes ailes, qui symbolisent lâme, la conscience, prennent naissance sur ces dalles. Elles en émanent. Elles prennent racine sur lexpérience. Après avoir absorbé la substance même de ce passé, elles vont pouvoir sélever vers les cieux. Ces ailes ne sont pas celles dun ange annonciateur ou dun messager mais celles dun homme qui a perçu ses fragilités et qui a |
Sur le sol, 12 dalles en bois, 50 x 50 x 8 cm. Ces dalles-mémoires,
symbolisent toute la connaissance que lhumanité a pu accumuler au fil des siècles. Sur celles-ci, lartiste nous donne à voir des écritures. Au centre de chaque dalle, dans un espace creusé dans la masse, lartiste a placé des fragments sur lesquels surgissent des |