"Un
parcours", est une présentation assez complète de plus
de 20 années de travail. A travers un texte chronologique, des
extraits de textes d'auteurs ou de critiques d'art, et des reproductions
d'uvres de la plus part des périodes, il sera possible de
découvrir la lente évolution qui a permis à Costa
Lefkochir d'acquerir la maturité qui caractérise aujourd'hui
son travail.
|
En 1970, Costa Lefkochir quitte sa Crète natale pour
gagner la Belgique et entamer, à Liège, des études
darchitecture. Mais après dix-huit mois, il décide de
tout arrêter et de sorienter vers la peinture, sa véritable
passion. Il suivra alors les cours de lAcadémie Royale des Beaux-Arts de Liège où il approfondira notamment ses connaissances en histoire de lart. Séduit par luvre de Magritte et de Dali, lartiste, dans ses premières recherches, sera marqué par une inspiration symboliste. Dans les années 74-76, jai commencé par le dessin symbolique, qui exprimait mon malaise de vivre, explique lartiste. Mon malaise était profond. Ces dessins à lencre étaient très travaillés.Ils me prenaient trois à quatre semaines. Et il y avait toujours un côté symbolique,mais la présence de lhomme napparaissait nulle part. En même temps je peignais à lhuile des maisons sans portes, sans fenêtres. Elles étaient enflammées, ouvertes comme sous leffet dune bombe. Et derrière, une boule de feu". Toute empreinte de mal être, de questions existentielles, cette série sera suivie par des pastels pour lesquels lartiste adopte une touche plus impressionniste, plus dynamique. Cette période correspond à la découverte de Van Gogh.Un artiste qui ma fasciné. |
"L'indifférence, 1976" |
Ses recherches vont alors se poursuivre avec des uvres qui allient Tempera et gouache et qui, plus important sans doute, sécartent progressivement de la figuration. Ses univers symboliques saniment dun mouvement interne engendré par le jeu des gradations chromatiques et lexpression de la lumière. "Jai senti le besoin de me débarrasser de toute connotation figurative", explique Costa Lefkochir. Et jai commencé à peindre des petits formats abstraits qui étaient des hommages à Tapiès, à Rothko, à Turner, à Greco |
"J'ai
envie d'écrire sur le mur", 1985
|
Cet
espace du fluide et du flou, où les formes se cherchent, où
les rythmes sentrecroisent, où des forces irrésistibles
se concrétisent en coulées immenses dor et dargent,
est parfois lopéra véhément et tumultueux
davant la genèse : désordre inouï des chaos,
bacchanales des phosphorescences, avant le cloisonné, le
précisé, lorganisé, avant lordre voulu
par le démiurge qui agencera, assemblera et partagera.
Fusion désordonnée, kaléidoscopique, où les bruns grumeleux de la terre, les clignotements vermillons du feu, les vagues nacrées de lair, les averses émeraudes de leau se confondent en un vaste tourbillon dyonisiaque, avant que larchitecte de lindicible ne prononce la phrase dairain, ne décrète lordre et la structure, avant que les éléments ne saccouplent, ne se réconcilient selon linsaisissable hasard ou selon de mystérieuses affinités électives. Carnaval aux couleurs effilochées, où ce qui deviendra végétal conserve encore la velouté du nuage, où ce qui deviendra minéral garde encore la souple flexibilité dune cascade détoiles Costa Lefkochir ne nous montrera ni la ville sclérosée des sécheresses et des culs-de-sac, ni le paysage moiré et changeant de la terre, ni les dentelles de lavril dici-bas. Ce qui le retient ce nest pas la caricature grimaçante, la farce clownesque, ce nest pas lécho affadi, délavé, assourdi qui nous parvient des magies blanches de léther ; ce qui le retient, cest cet espace criblé des flèches argentées du messager aux pieds légers ; ce quil veut chanter, cest lespace des murmures et des chuchotements, où tréssaille le geste édénique, où lidée souveraine et primordiale germe dans la serre quiète de limprononçable. Pierre Honnay. extrait
- juillet 1983.
|
Dans
le catalogue Mémoire du temps, son ami denfance Michel Krassakis,
écrit : La rencontre avec Turner a joué dans le cheminement
du peintre, un rôle catalyseur. Impressionné par son exposition
lors de sa visite à Paris en 1982, Costa Lefkochir découvre,
comme il le dit lui-même, la lumière de Turner : "une
lumière diffuse, mystique appelant à la méditation.
(
)" Sa brève mais féconde rencontre avec le peintre et sculpteur Roger La Croix lengage davantage dans la voie de la non-figuration déjà sous-jacente dans les uvres des années 83-84. |
Luvre
Hommage à Dali clôt la période symbolique et allégorique.
Libéré des liens du réel. Costa Lefkochir se consacre
assidûment à la restitution plastique de léternité,
à lexpression dune atmosphère imprégnée
de valeurs spirituelles et morales, à la recherche des traces du
sacré, de son essence délaissée par certaines pensées.
(
) Engagé sur la voie dune abstraction libre, lartiste réalise une série de gouaches rehaussées de pastel gras. Les couleurs (rouge, jaune, vert, bleu) sont vives, fluides et déclinent toute la gamme de leurs nuances chromatiques. Le geste se fait spontané, expressif, habité par un état mental, par les préoccupations de lartiste. Grâce au pastel, Costa Lefkochir introduit ses signes, son écriture, qui nauront de cesse de saffirmer dans les uvres ultérieures. |
Les longs séjours de six mois à Paros, petite île des Cyclades où lartiste aménage son atelier en 1986, vont également nourrir son uvre dune spiritualité plus prégnante. L'Artiste que lon découvre est un cas unique, irremplaçable, dont la dimension ici est énergie et lumière. Il est le chaos vivant où le déséquilibre transparent et fluide se projette incessamment dans le combat de la démesure. Cest un souffle en mineur qui, soudain, se polarise dans la violence des contrastes doù jaillit la clarté souveraine. Indéfinie la couleur se submerge elle même et sabsorbe, renaît en subtilité de nuances, couve un immense parfum de vie où le choc dune intensité brise la somnolence et affirme létincelle de la vie. Limage napparaît jamais. Elle circule, sous-jacente, comme un besoin dêtre qui encore flotte évanescent dans lindiscernable amalgame des tons et se déduit dune intuition, sactive en espérance, élabore son essor cosmique dans le frémissement dune émotion. |