Costa LEFKOCHIR - Un parcours

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Une nouvelle fois, la lumière se livre à un combat contre les ténèbres, contre le chaos. Une lutte violente qui semble se recentrer au milieu de l’espace pictural. Les stances d’une blancheur avivée par les contrastes rongent les tumultes noirs. Des jaunes or jaillissent du cœur de la composition. Des rouges ardents palpitent sous d’obscurs cieux qui, parfois, se muent en d’indéfinissables plages d’un bleu vert. Et toujours l’écriture dense d’un artiste qui dit son indignation, sa peine, son espoir aussi de l’avènement d’un monde plus humain. Les flamboiements, qui traduisent une expérience vécue par l’artiste, bouleversent l’âme et l’esprit par les symboliques suggérées, par les frémissements enfouis, par des ailleurs pleins de promesses qui sourdent des glissements vers la lumière.

"L'écoute du silence", 1992

  "L'écoute du silence", 1992

En 1992, avec l’Ecoute du silence et Mémoire du temps, cycle dont fait partie la fresque réalisée pour le ministère de la Région wallonne, Costa Lefkochir réduit sa palette chromatique et insère dans la matière picturale des pages de journaux. Cette évolution marque la volonté du peintre de marquer davantage encore la présence de l’homme dans ses compositions, d’ancrer, de manière plus prégnante, sa pratique plastique et ses préoccupations spirituelles dans la vie de tous les jours. Une manière aussi de renouveler son vocabulaire et de trouver de nouveaux points d’appui pour une construction qui se situe à la croisée du matériel et de l’immatériel.
Car plus que jamais, Costa Lefkochir travaille les palpitations de la couleur par le jeu fluctuant des transparences et, surtout, des effacements qui ouvrent de nouveaux espaces de réflexion.
Quittant flammes rouges, gestualité lyrique de bleus aux profondeurs cosmiques, Costa Lefkochir resserre son expression en une intériorisation aux accents plus dramatiques. En matité retenue, presque silencieuse, en brossages de plus en plus contenus conduisant à une réserve en noir essentiellement, en densité dialectique dans l’accès symbolique à la lumière et par conséquent à la connaissance, l’artiste poursuit sa quête de l’essentiel dans un climat de spiritualité plus nettement affirmé. Cette ascension au caractère ascétique exprime, non pas un rejet du monde extérieur, mais une focalisation sur ce que l’artiste considère comme indispensable, l’aspiration à un idéal à travers une force mentale, conquête personnelle de l’être sur
lui-même. Toute d’élans de profondeurs du soi, cette peinture inquiète et pourtant généreuse, spontanée mais densifiée par les interrogations intimes,
les doutes, la volonté farouche de recherche de sa vérité, appelle la lumière autant qu’elle entraîne au fond des béances. Vertige et élévation en même temps, elle est cette terrible dichotomie de tout être face à son destin et dans la lutte qu’il entreprend pour le maîtriser au mieux.
                                                        Claude Lorent

Une triple force conduit la main de l’artiste. On y perçoit l’émergence des rythmes de l’ombre et de la lumière ; Perséphone mêlée aux rythmes secrets de la terre et façonnant dans le silence l’aube des métamorphoses. Icare, dont la ”Chute serait en réalité une plongée dans les abysses, œuvrant à des envols intérieurs. Le Mythe de la grotte aussi, telle que le décrit Platon, foisonnement d’êtres enchaînes à la souffrance de leur corps et qui ne perçoivent que la lumière indirecte du soleil invisible : ”quant à la lumière, elle leur vient d’un feu qui brûle en arrière d’eux, vers le haut et le loin”.
 La seconde force est celle - héracliéenne - de la rencontre des contraires - le noir et le blanc - qui, en apparente opposition, ici se parlent, s’épousent et se fécondent. Il naît de cette dialectique, traversée par des signes, une harmonie à la fois lumineuse et blessée, un silence absolu, c’est à dire l’ouverture à la possibilité d’une parole (au sens du ”logos”).
 Enfin, dans cette œuvre qui questionne et enveloppe telle une matrice que l’on peut qualifier de cosmique, se déploie une troisième force : le souffle subtil et insistant de l’enfant, autre lieu de tous les possibles.
 A travers signes et mouvements, il est plus qu’évoqué par l’artiste qui creuse en hauteur et en profondeur avec une intense gravité son amour inconditionnel pour l’enfant, cet état de grâce éclaboussé par tant de disgrâces.
                                                                                                  Mimy Kinet
Au début de l’année 1993, Costa Lefkochir entamait un nouveau cycle consacré à une des plus grandes figures du XXe siècle, le Mahatma Gandhi. Plein d’admiration pour l’homme et pour les actes qu’il a posés, Costa Lefkochir lui rend un hommage vibrant de simplicité. Partant d’une palette réduite - le jaune or, l’ocre, la terre de Sienne brûlée et le noir -, le peintre suggère des formes, des silhouettes qui se fondent dans la couleur, se perdent dans les abysses d’un noir dense et se dispersent dans les brèches enflammées de lumière. D’une spontanéité maîtrisée par le travail de la profondeur et de la luminosité - une constante -, chaque œuvre est pleine de la subtile présence de l’homme, de son aura. Et dans les explosions les plus sombres, la clarté vient toujours déchirer les voiles de la nuit pour rendre espoir.
M.P. Marchal

Les papiers initialement collés sur le support, vieux journaux en général, lieux d’une mémoire événementielle dont les faits les plus saillant constituent l’histoire de notre petit monde, offraient par les rectitudes linéaires de leur format et par leur agencement plutôt ordonné, une structure qui ,jusqu’ici, n’était jamais apparue. Cette mince architecture sous-jacente ainsi que les options de relative sobriété, ont déterminé de nouveaux engagement comme si, après une période de doute, de remise en question d’une générosité expansive doublée d’une inquiétude face aux mystères de l’univers insondable, le peintre avait senti la nécessité de reconcentrer ses préoccupations plastiques et spirituelles dans un contexte plus ancré dans la vie.
Même invisibles sous la peinture, les documents de presse où sont consignés drames, tragédies et petits bonheurs aux dimensions humaines et quotidiennes, constituent désormais la trame physique et mentale de chaque œuvre. L’espace temps de la peinture les recouvrant a certes vaincu ces résidus d’une temporalité bien éphémère mais se porte également comme le garant de cette présence mémorielle intouchable, de manière à ce que rien des actes posés en ce monde ne puisse être nié. L’actualité, ainsi, volontaire ou non, reste tributaire du passé et la peinture elle-même, dans ses fondements, s’appuie sur des sources du vécu.

Claude Lorent

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Outre les hommages à Gandhi, Costa Lefkochir s’intéressera aussi à Martin Luther King, à Jésus, à Héraclite,… puis à Beethoven. ” Je travaillais sur un hommage au musicien, pour une maison située à Paros, nous confie Costa Lefkochir. Elle appartient à un architecte viennois, Gerfried Ramsauer. Cette maison est une véritable sculpture qui, de l’extérieur respecte l’architecture des petites maisons de village. Mais à l’intérieur, qu’elle audace ! Et il m’a demandé de faire le plafond de son living et des sculptures

Pour ce nouveau cycle, Costa Lefkochir abandonne les journaux au profit de photocopies de partitions originales de Beethoven. Par l’écriture nerveuse du compositeur, par les nombreuses ratures qui ponctuent la feuille de papier, ces notations témoignent d’une expérience difficile, douloureuse même, d’un homme qui tend, par la musique, à saisir l’insaisissable.