Jean-Luc HERMAN : Les Placards-écritures
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Il s'agit de quinze interventions en sérigraphie sur quinze écritures.
Les sérigraphies, ont été réalisées dans l'atelier de Jean-Pierre Husquinet sur papier BFK Rives 320g, d'un format 90 x 63cm
sont réunies dans un coffret comprenant la préface de François chapon et une traduction des textes.
Tirage limité à 10 exemplaires, numérotés et signés
Prix du Coffret contenant 15 planches : 22.500 F.
Prix des sérigraphies à l’unité : 1.500 F

Les placards, réunis aujourd’hui par Jean-Luc Herman, constituent un site extreme où débouche la quête qu’il n’a cessé de poursuivre à la fois au regard de la poésie et au coeur de la matière. Ses livres, d’un subtil raffinement, ont fait coexister poèmes et couleur : de celle-ci, grâce à une alchimie presonnelle, il règle la montée ou l’assourdissement, les vibrations, les contrastes ou la pureté, comme s’il offrait, en miroir à l’intensité du verbe la force de la vision.
Ainsi favorise-t-il depuis longtemps le rapport essentiel entre l’abstraction des mots et l’expression plastique : la première se matérialise dans un code de signes, leurs associations seront régies par ses lois ; la seconde, plus libre en son jaillissement, n’obéit qu’à l’imprescriptible harmonie et, le cas échéant, à la containte de la technique.
Peut-on parler d’illustration au sens contractuel du terme, à propos de leur rencontre chez Jean-Luc Herman, ou même d’un accord concertant pour délivrer, par des moyens différents, la symphonie d’une idée ? La relation qui suscite ici le peintre entre les graphismes du langage et les images provoque l’apparition conjuguée de voix autonomes et c’est là son originalité : elles ne s’altérent pas en s’efforçant de se rejoindre et de se confondre. Chacune garde son indépendance. Elle fuse selon sa propre trajectoire. Seule leur simultanéité justifie leur proxémité, en témoignant d’une même énergie à la source.
Le dynamisme originel, disséminé par les besoins des hommes et les exigences particulières à chaque civilisation, demeure cependant le flux conducteur de manifestatons et d’apparences qu’on croirait étrangères les unes aux autres. Faire retentir leur similitudes en profondeur, dégager le faisceau des courants communs qui les traversent à divers niveaux, retrouver dans leur expansion leur ardeur initiale et sa projection, n’est-ce pas l’intention que suggère cet album ?
Aux messages d’union et de communication qu’amorce tel vers de Tahar Bekri ou de Lokenath Bhattacharya ; à la spirale qu’esquisse le poème inuit ou le gaufrage du Braille entre la conscience de l’animal et celle de l’homme, entre le ressac et la pierre qui le cristallise, se superpose la structure des signes par le truchement desquels le cerveau ordonne à la main et lui fait répéter l’énoncé de ses concepts : calligraphies chinoises, persane, hébraïque, notation musicale, estampage pour les aveugles, reflets systématisés des dialectes. Cette beauté signifiante est saisie dans sa diversité, dans la spécificité de chacune de ses écritures. Jean-Luc Herman, en nous rendant visible sa constante nécessité, nous en notifie l’épuration primitive.
Du même foyer procède sa couleur. La savante combinaison de ses pigments l’exalte, ainsi que les contours où la resserre une géométrie allégorique. Plaque de résonance, l’écho de la création s’y résume. Un tel chromatisme participe de l’émission de l’universelle énergie.Ce recueil nous en fournit une partition.

François CHAPON
12 mars 1998



Arabe

texte de Tahar Bekri

Voici nos oiseaux
Quittant leurs nids
Et la flamme de la vielle
Baissant la robe majestueuse
Nous rassemblons nos encensoirs
Pour l’union

Tahar Bekri
Traduit de l’arabe par l’auteur


Hébreu

texte de Israël Eliraz

Encore une heure de lumière
dans laquelle je peux m’asseoir
près de toi, te regarder,
autour, tout autour,
voir comment près de ton épaule
le temps sur ton visage
passe, transforme derrière nous
au bout du sable, l’eau
en un champ qui bouge près d’un champ
sur un champ et la lumière
se replie jaune, monte plus claire
s’allonge encore un peu
et bientôt disparaîtra
s’éteindra presque

Israël Eliraz
Traduit de l'hébreu par Esther Orner


Bengali

texte de
Lokenath Battacharya

Le premier son de la conque

Toi, terre, et vous, hommes, mes proches, ne me regardez pas maintenant. Pas
encore.
Mon long chemin, les mots que je dis, ce
souffle court : ignorez tout cela. Songez que
l’écran de la nuit s’interpose, que ce que vous
voyez ne peut être vu.Toi, terre, et vous, hommes - mes proches -,
laissez-moi d’abord me baigner, me vêtir d’un
habit immaculé : que la mélodie solaire chante
dans mes veines. Alors seulement levez les yeux. Si vous le souhaitez, vous pourrez alors
entendre le premier son de la conque, signe de
notre union.

Lokenath Bhattacharya
Traduit du bengali par l’auteur et Luc Grand-Didier


Persan

texte de
Yadollah Royaï
De la Quête du BleuRoue
Visage tout-puissant
Aisance de l’âme parmi les dents

Plaine
Science de la gazelle
Stabilité du corps sur le fil de l’espace
Prison de la forme prisonnière


Yadollah Royaï
Traduit du persan par Bernard Noël


Musique

partition de
Jean-Yves Bosseur
Douze accords pour un groupe d’instruments à hauteur déterminée

Le cercle peut être parcouru à partir de n’importe quel accord, dans l’un ou l’autre sens, chaque musicien évolue à son gré d’une hauteur à une autre de chaque accord, tantôt indépendamment, tantôt en réaction aux interventions de ses partenaires ; puis passe lentement, sans heurt, aux notes de l’accord suivant, de manière de plus en plus synchrone avec eux. Les caractères de jeu concernant les propriétés rythmiques et dynamiques se transforment insensiblement tout au long du parcours à travers les accords, au fil des initiatives successives des musiciens ; une sonorité de groupe aussi homogène que possible doit toutefois être conservée d’un bout à l’autre.
Un premier parcours circulaire achevé, les accords donnent lieu à des transpositions une octave plus haut et/ou plus bas, selon les possibilités des instruments, puis à des transpositions à des registres de plus en plus éloignés, lors de chaque reprise du parcours circulaire, jusqu’à couvrir l’ambitus le plus étendu.
On pourrait également concevoir qu’un coordinateur oriente le parcours des musiciens par un mouvement circulaire de ses bras, suggérant ainsi une vitesse de passage d’un accord à l’autre, voire modifiant en cours de route le sens du parcours. Les variations de vitesse (et de dynamique générale, selon des positions de mains déterminées au préalable) pourraient être déduites des irrégularités du cercle jaune inscrit au centre de la feuille, gestuellement ”amplifiées”.

Jean-Yves Bosseur, novembre 1996