Ernst SCHEIDEGGER

Ernst Schiedegger est né à Rorschach le 30 novembre 1923.
Il fait l’ensemble de ses études à Zurich. Elles s’achèvent en 1940 à l’école d’Architecture où ses professeurs furent entre autre Alfred Willimann, Walter Roshard et Max Gubler.


Portrait de Schiedegger
Par Alberto Giacometti


Giacometti dans son atelier de Paris

De 1940 à 1943, Ernst Schiedegger travaille comme Chef décorateur pour de grandes entreprises Suisse. Puis fait son service militaire durant lequel il rencontre Alberto Giacometti. En 1944 il suit des cours de photographie avec Hans Finsler, Alfred Willimann, et Max Bill dont il sera l”assistant entre 1948 et 1949. C’est dans cette période qu’il fait ses premier reportages à l’étranger : Hollande, Tchecoslovaquie, Yougoslavie.
A partir de 1949 il travaille à Paris pour le Plan Marshall. Ce poste lui permet d’être present dans la capitale française au moment où l’art est en pleine ébulition, et son chemein va croiser celui de Georges Vantongerloo,Miro, Henri Laurens, Aimé Maeght et de retrouver son ami Alberto Giacometti. Son exeptionnel regard sur le monde et son humanité vont lui permettre de travailler avec toutes ces personne qui sont en train de révolutionner le monde de l’art. Témoin privilégier de son époque, il travaille pour l’agence Magnum avec Bischof et Robert Capa, ses reportages sont publiés dans Life, Paris Match, Stern, Picture Post…
Il travaille en Irlande pour John Hustons sur le film Moby Dick et réalise plusieurs films documentaires qui sont difusés dans le monde entier. de ses voyages aux Indes, au Pakistan, au Sud Yemen, au Maroc, en Arabie Saoudite, en Chine… il raméne des images belles et inimaginables qui font découvrir le monde dans les pages des plus grands titres de la presse internationale et à une époque où la télévision était loin d’être aussi présente dans les foyers. De 1960 à 1988, il réalisera ainsi prés de deux cents reportages.
En 1962 parait un livre sur Alberto Giacometti dont il signe les images et Jean Genet le texte. Il est choisi en 1964 comme responsable du secteur ”l’Art de vivre” lors de l’Expo’64 à Lausanne. 1971 voit l’inauguration de sa Galerie d’Art à Zurich où bien sûr tous ses amis rencontrés lors de ses études ou à Paris, exposeront.
En 1990 parait le livre ”Alberto giacometti - Traces d’une amitié”, puis il réalise un film sur Max Bill jusqu’en 1993.



Buraida, Arabie Saoudite
Ernst Schiedegger expose peu ses photographies.
En 1992, le musée d’Art de Zurich lui consacre une rétrospective et édite un ouvrage reprenant l’ensemble de ses voyages. Puis le musée Josef Albers de Bottrop présente un ensemble de ses photographies. C’est également en 1992, aprés 21 années passées à faire connaitre le travail de ses amis artites qu’il ferme sa Galerie d’Art. En 1993, la galerie Maeght de Paris, rue Saint Merri expose les photographies de Joan Miro. L’exposition est reprise par la Galerie Maeght de Barcelone. Parution du livre sur la famille Giacometti. En 1994, plusieurs expositions en Europe (bibliothèque de Bordeaux, Casa Serodine, Ascona, Wiesbaden, galerie Haasner) Le thème en est Les Indes et le Pakistan. 1995 voit la sortie du film sur Max Bill. Puis en 1997 expositions à Marseille et Istres. En 1999, les photographies de Giacometti sont présenté au musée d’Art de Bologne en Italie avant de venir à Beaucaire.
Depuis, Ernst Sheidegger se consacre plus particulièrement à l’édition, et notament un important ouvrage qui retrace ses liens avec les artistes qu’il a cotoyé pendant plus de 50 ans et qui a été présenté à la foire de Bâle.

 



Guerre du Vietnam


Ermite dans l'Himalaya

 

 

 

 



Huile, sans titre, 100x100 cm
Dans le livre Trace d’une amitié, Ernst Scheidegger raconte sa rencontre avec Alberto Giacometti."En 1943, comme je faisais mon service militaire, on m’envoya prendre mes quartiers à Majola qui se trouve sur un plateau herbeux entre la haute Engadine et le Val Brégalia, en Suisse. Le village était alors presque désert. J’appris qu’Alberto Giacometti y séjournait, dans la maison d’été de ses parents. Elle n’était pas difficile à trouver… En cherchant l’artiste, je trébuchai sur des pierres peintes et sculptées qui gisaient par douzaine devant la maison. J’appris plus tard qu’elles avaient été ainsi travaillées par Max Ernst, qui avait passé un moment à Majola en 1935. Je trouvais une femme au menton fortement dessiné, au visage sévère, encadré d’une épaisse crinière de cheveux blancs : c’était la mère d’Alberto. Elle m’indiqua le bâtiment de bois attenant à la maison, une ancienne étable que son mari, le peintre Giovanni Giacometti, avait transformé des années au paravent pour son fils Alberto. La porte était ouverte ; je pénétrai dans une vaste pièce très claire. Des toiles retournées face vers la paroi étaient appuyées contre les murs de bois en partie peints, au-delà des chevalets, des sacs de plâtre, des statues de plâtre, des caisses et des coffres sur lesquels étaient posées des têtes de pierre et de plâtre. Au milieu de la pièce, une longue figure de femme aux bras plaqués contre le corps se dressait sur un socle parallélépipédique, lui-même posé sur une plate-forme aux roues de bois tachées de plâtre. A côté d’elle, une statue en forme de pain de sucre, haute d’environ deux mètres dominait l’atelier : tout en haut, le petit visage gravé en creux, de même que les mains, sur le côté, en dessous des minuscules seins coniques ; au milieu, un gros creux circulaire ; tout en bas, une inscription au crayon noir : 1 + 1 = 3.
C’est dans ce cadre singulier qu’Alberto Giacometti, assis à une table, sculptait une toute petite figurine avec un vieux canif rouillé et couvert de plâtre.
Alberto ne fût pas le moins du monde surpris de ma visite. Il me salua et continua à travailler, pensant que j’étais juste un des soldats cantonnés au village, chargé de quelque mission, et que je ne faisais que passer. C’est seulement quand il comprit que j’étais venu exprès pour lui qu’il posa son canif et que nous commençâmes à nous entretenir. A cette première conversation succédèrent des visites quotidiennes, qui m’ouvrirent un univers inconnu et marquèrent le début d’une amitié qui devait durer jusqu’à la mort d’Alberto.
Le samedi 15 janvier 1966, par un beau jour clair, sec et froid - il faisait 20 degrés en dessous de zéro -, parents, habitants de la vallée et amis accompagnèrent Giacometti au cimetière. Des gens étaient venus du monde en tier : Pierre Matisse, Aimé Maeght, Louis Clayeux, Eberhard Kornfeld, Ernst Beyeler, Gustav Zumsteg, Michel Leiris, Remo Rossi, Max Bill, Varlin, Beaucoup d’autres…
La vallée était plongée dans l’ombre des montagnes, comme toujours en hiver, cette saison qu’Alberto aimait tant. Le seul cheval du Val Bregalia tira le corbillard sur la route verglacée jusqu’au cimetière de San Giorgio, prés de Borgonovo. Aucun de ceux qui étaient là n’oubliera les discours que prononcèrent, dans la petite église glacée, sans chauffage, le représentant du ministre de la Culture français André Malraux, le conseiller fédéral suisse Hanspeter Tuschudi, et le premier magistrat de la commune de Stampa, Rudolfo Giacometti. Ensuite le curé du lieu, natif de Naples, eut enfin l’occasion de sermonner une illustre compagnie dans son italien fleuri. Le cercueil d’Alberto fut descendu dans la terre gelée à quelques mètres de la tombe de ses parents, couver de fleurs, puis les fossoyeurs refermèrent la terre sur lui.
Lorsque je retournai au cimetière, le soir, j’y retrouvai un vieil habitant du Val en train de compter les nombreuses couronnes de fleurs qui achevaient de geler."
 
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